Communiqué de presse du 12 avril 2015
Le Collège Infirmier Français dénonce la suppression de l’Ordre des Infirmiers
La loi de modernisation de la santé devait être l’occasion d’un renouveau pour la profession infirmière, avec une véritable reconnaissance de ses compétences professionnelles autonomes. D’une part, pour l’ensemble des infirmières, avec un renforcement de leurs actions de prévention, d’éducation pour la santé, de prescription de substituts nicotiniques, etc. D’autre part, pour celles qui obtiendraient un Master en pratique avancée, la prise en soins des patients atteints de pathologies chroniques, la coordination et la gestion des parcours complexes notamment.
Dans la nuit du 9 avril, 19 députés (29 présents sur 577 membres) votent l’abrogation de l’Ordre National des Infirmiers au prétexte d’arguments fallacieux. A travers ce vote, c’est à nouveau la qualité des prises en soins qui est remise en question et par là même la profession infirmière. Voudrait-on la museler ?
Il est à noter que dans la nuit du 19 mars, un amendement de déqualification des soins destinés aux patients âgés ou handicapés est adopté en Commission des Affaires Sociales. L’exposé des motifs précise que l’amendement « vise à permettre à des professionnels salariés non soignants de réaliser des actes tels que l’administration de valium en cas de crise d’épilepsie convulsive chez une personne handicapée ou encore des aspirations trachéales ». Heureusement ce dangereux article 30 bis est abrogé lors de la discussion en séance publique.
Nos députés connaissent-ils notre profession ? Quand les politiques manquent de cohérence, les décisions peuvent avoir de graves conséquences pour la qualité des soins, le suivi des compétences professionnelles, la régulation, le respect de l’indépendance et des règles professionnelle, mais également sur le contrôle de l’accès à la profession, points forts des actions de l’ordre.
Sur les 28 pays de l’Union Européenne, 19 disposent d’Ordres infirmiers. Quelle serait la spécificité française ? La même que celle qui a obligé l’infirmier formée en trois ans depuis 1981, à attendre 2009 pour obtenir la reconnaissance d’un grade de Licence ? Et ce alors que la France y était acculée par l’Union Européenne, étant un des trois derniers pays à ne pas être entré dans le système LMD (Licence-Master-Doctorat) créé en 1999 ?
Vouloir abroger l’Ordre des Infirmiers, c’est souhaiter réduire l’infirmière à une simple exécutante. L’Ordre n’est financé que par l’argent des cotisations de ses membres : il est libre, autonome, indépendant. Avec 168.000 inscrits, il est le deuxième Ordre français. La réforme des études a été mise en place l’année de son installation. Aujourd’hui la pratique avancée fait enfin l’objet d’un projet en France. C’est dans ce même temps que l’on souhaite priver la profession de son porte voix. Un hasard ? Certes non !
L’Ordre est une structure institutionnelle qui affirme nos compétences autonomes pour rappeler aux décideurs institutionnels, que l’approche humaine de la relation avec le patient et son entourage est aussi importante que la technicité croissante de la santé.Soigner, c’est refuser une relation infantilisante et paternaliste, c’est aider celui qui souffre à sortir de son isolement, à bâtir un projet de vie compatible avec son état. Depuis la révolution pasteurienne, et le passage de la médecine hippocratique à la médecine scientifique, la profession infirmière a recouru de plus en plus à la technique, suivant en cela les progrès de la médecine, et la modernisation des structures de soins. Dans le même temps, elle a su conserver ce qui fait sa spécificité, c’est-à-dire une relation humaine très profonde, et de tous les instants, avec les patients, liée à la permanence des soins.
Face à la montée des soins aux personnes du quatrième âge avec perte d’autonomie, au développement de la prévention et du dépistage des maladies chroniques, le secteur de la santé posera des problèmes d’organisation et d’éthique toujours plus complexes. L’un des rôles de l’Ordre des infirmiers est de servir de garde-fou face à la tentation du contrôle économique entrainant des restrictions de soins individuels, au nom d’une vision macroéconomique des dépenses de santé publique, comme dans les pays anglo-saxons. Les personnes malades sont par définition plus vulnérables, aussi les infirmières se doivent d’être en première ligne pour affirmer que seuls les besoins des malades doivent déterminer le type et le coût des traitements.
C’est pourquoi il est intolérable de vouloir abroger l’Ordre des Infirmiers. Le Collège Infirmier Français sait pouvoir compter sur les sénateurs pour faire preuve de sagesse afin de maintenir un Ordre des Infirmiers, au service de la population et de la profession.
Marie-Claude GASTE, Présidente du CIF, 06.43.03.28.01
Le Collège Infirmier Français (CIF) est composé de 17 personnes morales représentatives de la profession infirmière (salariée, libérale, académique, formation initiale et continue, santé au travail, santé scolaire, spécialités IADE, IBODE, puéricultrices, etc.). Il a pour but d’apporter la meilleure réponse aux besoins de santé de la population, dans une vision positive et innovante de la profession infirmière.